L’homme resserre les pans de son manteau, dressé sur l’éperon rocheux qui domine le plateau montagneux. Volettement doux de la neige qui a recommencé à tomber dans les Montagnes d’Alterac, signe que les beaux jours sont définitivement derrière eux. L’homme, grand et musculeux, s’affaisse ; son genou droit heurte la pierre comme si un poids imaginaire faisait pression sur ses larges épaules. Son profil busqué reste relevé, les prunelles fixes sur le fiasco en contrebas.
La combe mouchetée de blanc est traversée en son centre par un ruban de moire du rouge le plus vif, une incision sanguinolente dans le paysage déjà escarpé de cette région de Lordaeron. En amont de l’épanchement, un brouillard roux et mouvant recouvre l’ancien campement. Et si depuis son observatoire, l’homme ne distingue aucun détail qui pourrait ralentir ses pulsations cardiaques, il sait qu’il ne reste rien de vivant sous les miasmes. La pointe d’une bannière haïe dépasse de la brume corrosive ; provocation et avertissement.
Il grommelle dans sa barbe pailletée de flocons et s’en retourne vers la dizaine d’hommes prostrés qui patiente non loin. Dépenaillés, têtes rentrées dans les épaules, tiraillés entre colère et accablement, ils relèvent leurs museaux vers celui qui s’impose comme leur chef.
"Du sale boulot…Va falloir le prévenir…" Il marque une pause en dévisageant la poignée de soldats qu’il lui reste puis reprend d’une voix sifflante. "On brûle tout avant que le vent se lève et on rentre au bercail. Allez, au trot mes mignons !"
Quelques protestations, ricanements moqueurs ou mines affligées et les hommes s’animent et s’organisent. Les chevaux sont harnachés pendant que trois silhouettes longues et maigres s’avancent au bord de la falaise, adjoignant leurs incantations pour embraser les derniers vestiges du campement.
La combe mouchetée de blanc est traversée en son centre par un ruban de moire du rouge le plus vif, une incision sanguinolente dans le paysage déjà escarpé de cette région de Lordaeron. En amont de l’épanchement, un brouillard roux et mouvant recouvre l’ancien campement. Et si depuis son observatoire, l’homme ne distingue aucun détail qui pourrait ralentir ses pulsations cardiaques, il sait qu’il ne reste rien de vivant sous les miasmes. La pointe d’une bannière haïe dépasse de la brume corrosive ; provocation et avertissement.
Il grommelle dans sa barbe pailletée de flocons et s’en retourne vers la dizaine d’hommes prostrés qui patiente non loin. Dépenaillés, têtes rentrées dans les épaules, tiraillés entre colère et accablement, ils relèvent leurs museaux vers celui qui s’impose comme leur chef.
"Du sale boulot…Va falloir le prévenir…" Il marque une pause en dévisageant la poignée de soldats qu’il lui reste puis reprend d’une voix sifflante. "On brûle tout avant que le vent se lève et on rentre au bercail. Allez, au trot mes mignons !"
Quelques protestations, ricanements moqueurs ou mines affligées et les hommes s’animent et s’organisent. Les chevaux sont harnachés pendant que trois silhouettes longues et maigres s’avancent au bord de la falaise, adjoignant leurs incantations pour embraser les derniers vestiges du campement.
C’est un Manoir à encorbellement qui s’avance au fur et à mesure de ses trois étages. Soutenu par des poutres obliques, son toit lui donne l’impression de pencher dangereusement en avant. Le rez-de-chaussée est en pierre, l’entrée gardée par une cour intérieure aux pavés irréguliers. Le reste de l’habitation s’élève en torchis ocre et colombage apparent. Le ciel tourne et fuit. La neige tombe à longs traits de charpie, tuiles et briques du logis poudroient. Blanc comme un mort.
Pour y parvenir, il faut grimper longtemps, à pic. L’entrée même du sentier qui y mène est un secret jalousement gardé par les occupants. De là lui vient son nom de Perchoir. Une fois les premiers massifs passés, le chemin débouche sur un pré qui se courbe vers une combe molle. La maison est là, avec de la lumière au joint des volets.
Les larges ouvertures et fenêtres à croisillons des étages laissent présager de la nature touristique de l’habitation. Et si ce lieu de villégiature semble accueillant et confortable, on remarque rapidement les fenêtres condamnées du rez-de-chaussée, comblées par des gravas. Ce qui était un jardin d’agrément n’est plus qu’un terrain piétiné et brûlé par le passage récurrent des bêtes et des hommes. Lovées contre le flanc de l’habitation, des tentes s’enflent et s’apaisent selon que le vent s’en joue. Plus loin, un terrain d’entrainement a été aménagé avec nombre de mannequins et de cibles propre aux jeux militaires. Sur la pente douce qui mène au Manoir, un jardin en terrasse se devine, longs sillons de terre bêchée et retournée qui se préparent à l’hiver.
Au-dessus de la porte, accrochée à une solive en saillie, un antique étendard aux couleurs du Royaume d’Alterac flotte sous la main plate du vent. A l’intérieur, les pièces sont larges et sombres, avec des planchers d’un chêne infléchi par le poids des ans. Un escalier de marbre cassé aux marches relevées tournoie en spirale ascendante vers le cœur du logis.
Pour y parvenir, il faut grimper longtemps, à pic. L’entrée même du sentier qui y mène est un secret jalousement gardé par les occupants. De là lui vient son nom de Perchoir. Une fois les premiers massifs passés, le chemin débouche sur un pré qui se courbe vers une combe molle. La maison est là, avec de la lumière au joint des volets.
Les larges ouvertures et fenêtres à croisillons des étages laissent présager de la nature touristique de l’habitation. Et si ce lieu de villégiature semble accueillant et confortable, on remarque rapidement les fenêtres condamnées du rez-de-chaussée, comblées par des gravas. Ce qui était un jardin d’agrément n’est plus qu’un terrain piétiné et brûlé par le passage récurrent des bêtes et des hommes. Lovées contre le flanc de l’habitation, des tentes s’enflent et s’apaisent selon que le vent s’en joue. Plus loin, un terrain d’entrainement a été aménagé avec nombre de mannequins et de cibles propre aux jeux militaires. Sur la pente douce qui mène au Manoir, un jardin en terrasse se devine, longs sillons de terre bêchée et retournée qui se préparent à l’hiver.
Au-dessus de la porte, accrochée à une solive en saillie, un antique étendard aux couleurs du Royaume d’Alterac flotte sous la main plate du vent. A l’intérieur, les pièces sont larges et sombres, avec des planchers d’un chêne infléchi par le poids des ans. Un escalier de marbre cassé aux marches relevées tournoie en spirale ascendante vers le cœur du logis.
Le Perchoir, le dixième jour du neuvième mois de l’an 31
Monseigneur,
J’ai chargé McRide de vous faire parvenir cette missive au plus vite. Croyez bien que je ne me serais pas permis pareille audace si les circonstances ne l’exigeaient.
Je vous faisais part dans mon dernier rapport de l’avancée prometteuse de l’opération, et je dois maintenant vous avertir que tout n’est plus que cendres. Une incursion musclée de ses salopards de Réprouvés ont réduit à néant nos installations. Il a suffit d’une nuit pour que vingt de nos meilleurs bretteurs ne succombent, pour des pertes négligeables dans le camp adverse. Les morts ont investi le campement une heure avant l’aurore il y a deux jours. C’a été un carnage, ils ont tout dévasté sans chercher à comprendre. Nous pouvons raisonnablement espérer qu’ils ne retourneront pas nos armes contre nous.
Il est difficile de maintenir nos hommes sur le pied de guerre, nous avons à faire face à plusieurs désertions, en plus des menaces qui se multiplient. Pour ceux qui restent, le doute s’installe quant aux raisons de notre présence au Perchoir, et au bien-fondé de notre entreprise. Ce sont des hommes rudes et habitués à travailler en conditions limites, mais je crains qu’on atteigne rapidement le point de non retour. Une prime pourrait suffire à les requinquer et à nous donner un peu plus de temps. Car c’est bien le temps qui nous fait défaut.
Malgré ce revers cuisant et le moral en berne de nos troupes, je reste certain que la fortune finira par nous sourire. Nous avons un besoin urgent de renforts et de matériel. Ci-joint le rapport complet de l’incident, avec les pertes tant humaines que matérielles.
J’ai rapatrié nos hommes au Perchoir et nous attendons maintenant vos directives.
Votre dévoué serviteur,
J.S.