« Mère. »
Cette pièce était si immense, qu'il fallait toujours beaucoup de chandelles pour l'éclairer. Mais à cela, la maîtresse des lieux avait préféré allumer, dans un éclat de magie, la cheminée immense, et rien d'autre. Monstre de pierre grise et blanche, on y voyait des femmes et des hommes gravés par endroits, combattant un dragon. Les mages et les guerriers humains se mêlaient à une guerre minuscule mais sans merci sur le marbre, au plus près de l'âtre. Les lueurs rouges-orangées du brasier, elles, se mêlaient au mauve foncé des tissus, et laissaient leurs reflets y danser, enchantées, se pensant capable d'amener la joie dans la pièce avec leur parade, mais il n'en était rien. Les dizaines de bibliothèques décoraient le mur Ouest et Est, et étaient si complètes, qu'un coup d'oeil laissait deviner les générations nécessaires pour compléter la collection.
La lune était au plus haut, et ce choix d'ambiance rendait la pièce du manoir plus sombre encore. Tout était si noir. Le mobilier d'ébène, les tentures du parme digne du sceau familial, tout était si noir. Et ce cœur.
Le cœur de la maîtresse des lieux était plus noir encore. Brûlé, ravagé par la peine. Ce n'était un secret pour personne.
La femme se prélassait dans l'unique fauteuil de la pièce semi-vide, pièce de mobilier aux ornements aussi singuliers que ceux de la cheminée. Les yeux perdus dans les flammes dansantes du coin de feu, elle ne prit pas le temps de saluer le garçon. Elle considéra lentement le portrait de famille gigantesque et ancien qui siégeait au dessus du même âtre, puis prit la parole.
« J'ai répondu à toutes tes questions. Qu'est-ce que tu veux, ce soir ? M'écraser ? M'humilier ? Tu as beau être mon enfant, tu es cruel. Je t'ai offert mon énergie et ma vie. Des remerciements ? C'est ça ? Venir ici alors que je me repose est encore un affront. »
Il était mal à l'aise. Plus elle était calme, et plus elle était dangereuse. Mais il avait hérité de sa fierté. Non sans peur, il articula pour lui répondre, presque arrogant.
« Je suis juste. Vous avez fait des choses que je n'excuserais jamais. »
- Juste ? Tu es un millénaire trop jeune pour me parler de justice, jeune homme. Tu es mauvais. Comme moi. Et comme ton père. Ta... « Justice » ne causera que des problèmes. »
Père. Père. Il n'y a pas quelques années encore, sa langue était raide à ce sujet. Ce père, son père, à ce garçon, on n'en parlait pas, point. Ce n'était même plus un sujet sensible, mais un sujet fantôme. On se demandait souvent s'il avait jamais existé. Ce père.
Cette pièce était si immense, qu'il fallait toujours beaucoup de chandelles pour l'éclairer. Mais à cela, la maîtresse des lieux avait préféré allumer, dans un éclat de magie, la cheminée immense, et rien d'autre. Monstre de pierre grise et blanche, on y voyait des femmes et des hommes gravés par endroits, combattant un dragon. Les mages et les guerriers humains se mêlaient à une guerre minuscule mais sans merci sur le marbre, au plus près de l'âtre. Les lueurs rouges-orangées du brasier, elles, se mêlaient au mauve foncé des tissus, et laissaient leurs reflets y danser, enchantées, se pensant capable d'amener la joie dans la pièce avec leur parade, mais il n'en était rien. Les dizaines de bibliothèques décoraient le mur Ouest et Est, et étaient si complètes, qu'un coup d'oeil laissait deviner les générations nécessaires pour compléter la collection.
La lune était au plus haut, et ce choix d'ambiance rendait la pièce du manoir plus sombre encore. Tout était si noir. Le mobilier d'ébène, les tentures du parme digne du sceau familial, tout était si noir. Et ce cœur.
Le cœur de la maîtresse des lieux était plus noir encore. Brûlé, ravagé par la peine. Ce n'était un secret pour personne.
La femme se prélassait dans l'unique fauteuil de la pièce semi-vide, pièce de mobilier aux ornements aussi singuliers que ceux de la cheminée. Les yeux perdus dans les flammes dansantes du coin de feu, elle ne prit pas le temps de saluer le garçon. Elle considéra lentement le portrait de famille gigantesque et ancien qui siégeait au dessus du même âtre, puis prit la parole.
« J'ai répondu à toutes tes questions. Qu'est-ce que tu veux, ce soir ? M'écraser ? M'humilier ? Tu as beau être mon enfant, tu es cruel. Je t'ai offert mon énergie et ma vie. Des remerciements ? C'est ça ? Venir ici alors que je me repose est encore un affront. »
Il était mal à l'aise. Plus elle était calme, et plus elle était dangereuse. Mais il avait hérité de sa fierté. Non sans peur, il articula pour lui répondre, presque arrogant.
« Je suis juste. Vous avez fait des choses que je n'excuserais jamais. »
- Juste ? Tu es un millénaire trop jeune pour me parler de justice, jeune homme. Tu es mauvais. Comme moi. Et comme ton père. Ta... « Justice » ne causera que des problèmes. »
Père. Père. Il n'y a pas quelques années encore, sa langue était raide à ce sujet. Ce père, son père, à ce garçon, on n'en parlait pas, point. Ce n'était même plus un sujet sensible, mais un sujet fantôme. On se demandait souvent s'il avait jamais existé. Ce père.