Ce livre fait en deux parties conte l'histoire de Tristan Van Hellsing, à travers des bribes de vie suivies. La première partie fait état du passé, de sa jeunesse à sa vingt-quatrième année où la guerre contre le culte de l'Aiguille Noire commença. La seconde partie, reprend huit ans plus tard, et près d'un an après le grand cataclysme, lors de son arrivée au sein des veilleurs de Sombre-Comté, et l'affrontement contre le culte. Les huit années manquantes, de sa première guerre contre le culte, jusqu'à la fin de la guerre de Gilneas, feront sans doute l’écrit d'un futur ouvrage. Merci et bonne lecture.
Jadis, à la caserne de Gilneas, Lordaeron.
Le soleil tapait fort ce jour-là, un soleil lourd, agressif, surtout pour le jeune garçon. Il n'avait qu'à peine dix ans, un enfant brun avec les cheveux mi-long lui tombant sur le visage, souriant et courant autour du fort, devancé par une jeune fille blonde aux yeux d'un doux bleu couleur de la mer.
Celle-ci s'efforçait de ne pas se faire attraper par le jeune garçon, sa robe jaune flamboyante voletant à chacun de ses pas de course. Un destrier arriva près du fort, l'homme le montant était vêtu d'une lourde armure de plaque, des épaulières imposantes et un heaume massif, ceux des soldats de la ville, fiers et robustes. L'homme descendit de son cheval, grand, très grand à vrai dire, la main à la garde de son épée, il observait le garçon courir avec une rapidité affolante, finissant par attraper la fillette et la chatouillant, les deux tombant sur le sol de pierre dans le jeu, jusqu'à arracher un cri amusé à la petite. Le soldat s'approcha et siffla avec force, le garçon leva immédiatement la tête, reconnaissant son père et courut dans sa direction, délaissant la fille qui levait la tête de même, s’asseyant au sol jambes croisées.
Le petit se jeta dans les bras de son père qui le souleva avec une facilité étonnante, l'observant avec un regard aimant et fier, alors que le garçon lui retirait son heaume qui semblait peser son poids. Le robuste soldat avait une longue crinière brune, grisâtre par endroits, témoignant de son âge, une barbe bien entretenue et une moustache charismatique.
- Bonjour mon fils.
- Bonjour p'pa ! T'es tout beau !
Le garçon regarda le visage de son père et enlaça, alors que celui-ci esquissait un sourire, le visage plein d'émotion, lui rendant l'étreinte. Lui qui n'avait pas vu son héritier depuis longtemps, perdu dans les contrées nordiques à guerroyer contre les créatures du malin.
- Et toi mon garçon tu es rayonnant.
Le père embrassa le fils et l'emmena avec lui au sein de la caserne, le portant sous son large bras, saluant les soldats au passage qui défaisaient leurs armures pour certains, s'entrainaient pour d'autres et entretenaient leurs lames pour d'autres encore, le petit observa la cour poussiéreuse et carrée au possible de la caserne avec un regard fasciné, il avait souvent rêvé d'être un soldat comme son père, devenir aussi grand, fort et respecté. L'homme entra dans la salle d'armes et prit place sur une chaise, son fils sur les genoux.
- Alors mon garçon, qu'as-tu fais de beau pendant mon absence ? Tu as aidé ta mère rassure moi ?
- Oui p'pa, je l'ai aidée à faire à manger et entretenir la ferme, je me suis occupé de James et je me suis exercé au dessin au charbon regarde !
L'enfant sortit hâtivement de sa poche une feuille pliée en quatre et l'ouvrit, montrant fier de lui le dessin représentant la caserne, vu du haut de la colline avoisinante près de la forêt.
- Oh... dit le père en observant le dessin, les yeux illuminés. C'est très beau, très bien fait fiston, je suis fier de toi. Tu seras un artiste plus tard, tu crois que tu auras le temps de venir voir ton vieux père quand tu seras riche et célèbre ?
Il sourit à son fils, qui répliqua d'un rire franc.
- Bah oui, mais je serais pas artiste, je veux être soldat ! Comme toi !
- Soldat ? Allons, tu seras mieux artiste, avec une jolie maison au quartier noble, tu iras à travers Lordaeron et immortaliseras les paysages les plus impressionnants et en imagineras de plus beaux encore.
- Je pourrais dessiner aussi... mais c'est soldat que je veux être, je veux me battre et défendre la ville comme tu fais contre les méchants ! D'ailleurs, tu es parti très longtemps, tu nous as manqué.
L'homme posa la main sur la joue de son fils et la lui caressa en l'observant dans les yeux.
- Oui, je sais. Il soupira, puis reprit. Mais je me battais pour vous protéger, la famille Tristan, le lien qui nous unit et l'amour que l'on se porte est le bouclier qui protège notre famille, et je prie pour que ce lien reste le plus fort. N'oublie pas que où que tu ailles ou quoi que tu fasses, seule ta famille t'épaulera et t'aimera mon fils, où que tu sois... Maintenant et à jamais.
L'enfant acquiesça et prit son père dans ses bras, heureux de le revoir.
Le souvenir se poursuivit, il était plus grand d'un an à peine, mais déjà les blessures de la vie l'avaient atteint, il était penché au-dessus de la tombe de son père qu'il embrassa, sa mère à coté de lui, jeune et belle, brunette aux yeux clairs et aux pommettes généreuses, pleurait à chaudes larmes, la douleur semblait l'anéantir un peu plus à chaque seconde, quand au petit, il ne pleurait pas. Il observait la tombe de son père où était gravé en lettres d'or "Maintenant et à Jamais.".
Ces trois mots résonnaient dans son esprit alors qu'il sortait de ses pensées, assis contre un arbre de l'étang d'Olivia, presque nu, le caleçon à moitié brûlé et déchiré, une femme allongée à ses cotés endormie profondément. Il la regarda un instant, sa chevelure tout aussi cendre dépassant de sous la cape du jeune homme qui l'entourait, une conquête de plus...
Le chasseur resta assis, là, une plaque d'identité militaire dans les mains, d'un argent un brin usé par le temps, qu'il fixait. La plaque d'argent massif ternie, lourde pour un objet de cette taille, avait au devant le blason de Gilneas gravé avec talent, par-dessus lequel fut gravé de haut en bas : "Hector Van Hellsing; Chevalier-Lieutenant; Cavalerie de Gilneas." Après quelques instants, il la retourna, derrière les quatre mots étaient gravés à la main, la sienne, il y a longtemps, avec le talent moindre d'un jeune garçon.
Il observa la plaque avec un regard triste, la perte de son père ne l'avait jamais quitté, depuis toutes ces années, parfois il laissait couler une larme a son attention, témoignage de cet amour infini pour son modèle qui laissa une blessure qui ne cicatrisera jamais. Il avait aimé son père avec une telle force et une telle admiration que son visage était demeuré très net dans son esprit, quant à sa mère, elle avait succombé au chagrin, l'abandonnant à une vie de solitude et de peine avec son jeune frère. Les années avaient passées, il avait rencontré tant de femmes, en avait aimé une ou deux, mais en dépit des conquêtes jamais il n'avait cessé de se sentir seul...
Seul, il n'avait confiance qu'en lui-même et ne comptait que sur lui-même, James avait sa confiance, Saphira aussi. Mais c'était plus compliqué. Car personne n'aurait jamais autant de valeur à ses yeux se disait-il, aucun autre que celui qui l'a élevé, qui l'a nourri, qui a veillé sur lui et a fait de lui un homme bien, un homme droit. C'est alors qu'il se demandait, s'il avait été aussi noble que son père l'aurait voulu. La ville, les femmes, les conflits, il était dans la brigade depuis une semaine à peine et déjà, il avait eu conflit avec ses supérieurs. Il se disait que certaines choses ne s'accordaient pas avec lui-même, et il repensa à la raison pour laquelle il s'était engagé. Son père, oui, bien sûr, cela ne pouvait être que ça.
Un dernier regard à la plaque, il la posa contre ses lèvres pour l'embrasser, puis sur son front et resta ainsi, les yeux fermés. Il prendra sur lui, il le faut, pour la mémoire de son père, pour son devoir. "Où que tu sois" se remémorait-il, "la famille", lever le bouclier et protéger ses croyances et ses valeurs, ne jamais flancher, toujours évoluer en s'accrochant à ses points forts, son père sera fier de lui.
"Bonne nuit père, puisses-tu me donner la force de rester humble et droit, en dépit des obstacles et faire en sorte que ce sourire qui te ressemble tant, demeure ainsi jusqu'au dernier soupir de mon cœur sur ce monde". Dans ces derniers mots il vint contre la jeune femme et passa un bras autour d'elle, celle-ci se retourna dans son sommeil et se blottit contre lui. Il la reverra probablement, au moins une fois, comme les autres, mais trouvera-t-il un jour une femme capable de gagner son cœur ? Peut-être, qui sait. En attendant, il est, et il restera, authentique, son fusil dans l'herbe, près de lui.